Plan de l’article
Dans un contexte d’urgence environnementale, la France s’engage résolument vers un objectif ambitieux : Zéro Enfouissement d’ici 2030. Cette initiative nationale, qui s’inscrit dans une dynamique européenne, vise à promouvoir l’économie circulaire et à minimiser l’impact environnemental des déchets.
À l’horizon 2030, le défi est de taille pour la filière professionnelle du recyclage et de la gestion des déchets. Cet article explore comment la technologie peut catalyser ces efforts et permettre d’atteindre, voire de surpasser, cet objectif audacieux.
La digitalisation des processus opérationnels
Gestion intelligente des déchets
L’ère de la digitalisation a inauguré des méthodes innovantes pour la gestion des déchets, en s’appuyant sur des outils numériques pour optimiser les opérations. Parmi ces technologies, nous trouvons les capteurs IoT (Internet des Objets) qui, intégrés dans les bennes et les conteneurs, fournissent des données en temps réel sur le niveau de remplissage, évitant ainsi des collectes inutiles ou prématurées et réduisant les coûts opérationnels et l’empreinte carbone.
Zoom sur Suez : Entreprise française internationale, reconnue pour son initiative à Rennes, Suez a mis en place des « smart trucks » équipés de systèmes pour collecter des données en temps réel, comme les taux de remplissage des poubelles, afin de diminuer l’empreinte environnementale de la collecte des déchets. Cette stratégie a notamment été rendue possible par l’acquisition de l’entreprise française Sigrenea par Suez en 2016.
L’intelligence artificielle et le Big Data jouent également un rôle transformationnel. En analysant d’énormes ensembles de données sur la production de déchets, les systèmes intelligents peuvent prévoir les tendances de production de déchets et optimiser les itinéraires de collecte. De plus, l’IA est employée pour identifier les types de déchets sur les tapis roulants, accélérant et affinant le processus de tri.
La digitalisation permet aussi une traçabilité sans précédent des déchets, essentielle pour les producteurs responsables souhaitant suivre le parcours de leurs déchets jusqu’au point de recyclage final. Des plateformes centralisées offrent un aperçu complet des quantités de déchets produites, traitées, recyclées ou éliminées, contribuant à une économie plus transparente et responsable.
Zoom sur Enevo, une entreprise finlandaise qui propose des solutions optimisées pour la gestion des déchets, utilisant des capteurs et l’analyse de données pour améliorer la logistique de la collecte des déchets.
Automatisation & robotique
L’automatisation est un changement de paradigme dans les centres de tri. Les robots, équipés de capteurs et guidés par l’IA, peuvent trier les déchets à une vitesse et avec une précision que les humains ne peuvent égaler, travaillant 24 heures sur 24 sans être sujets à la fatigue ou aux erreurs dues à l’inattention. Ils sont également capables de reconnaître et de séparer des matériaux spécifiques, même les plus petits ou ceux qui sont difficiles à identifier, augmentant ainsi les taux de récupération.
L’intégration de la robotique dans les ISDND permet également une gestion plus sûre et plus efficace des sites. Par exemple, les drones sont utilisés pour surveiller les sites d’enfouissement, collecter des données et même aider à la gestion des gaz d’enfouissement.
Cependant, la transition vers l’automatisation doit être abordée avec une vision holistique, en tenant compte de l’impact sur l’emploi et en assurant une formation adéquate pour les travailleurs, afin qu’ils puissent travailler en synergie avec la technologie.
Zoom sur WasteRobotics, société canadienne basée à Trois-Rivières fondée en 2016 qui combine la technologie de reconnaissance des déchets, des algorithmes d’apprentissage « deep learning » et des technologies robotiques pour permettre aux centres de recyclage d’améliorer la qualité des flux triés et d’accroître la sécurité et la rentabilité dans la gestion des matériaux réutilisables.
Lire notre article « Recyclage et innovation : cas d’entreprises françaises pionnières en IA »
Cet article présente trois études de cas d’entreprises françaises, Citeo, Veolia et Carbios, qui utilisent la technologie et l’intelligence artificielle (IA) pour innover dans le domaine du recyclage. Voyons ensemble comment ces acteurs ont contribué à la transition vers une économie plus circulaire et durable en développant des solutions disruptives pour optimiser le tri, la valorisation, éviter l’enfouissement et renforcer la traçabilité des déchets.
Technologie et recyclage avancé
Eviter l’enfouissement grâce au recyclage chimique
Le recyclage chimique représente une révolution, offrant des solutions là où le recyclage traditionnel atteint ses limites. Cette technologie décompose les déchets polymères en leurs molécules de base, les monomères, qui peuvent ensuite être réutilisés pour créer de nouveaux plastiques, équivalents en qualité à ceux produits à partir de ressources vierges. Cette méthode est particulièrement efficace pour les plastiques complexes ou fortement contaminés qui, autrement, seraient destinés à l’enfouissement ou à l’incinération.
Plusieurs procédés existent, tels que la pyrolyse, la gazéification, ou la dépolymérisation, chacun adapté à différents types de déchets plastiques. Leur intégration nécessite des investissements conséquents en R&D et en infrastructure, mais le retour sur investissement potentiel et l’impact environnemental positif justifient ces dépenses initiales.
En outre, le recyclage chimique contribue à l’économie circulaire, réduisant la dépendance au pétrole brut pour la production de nouveaux plastiques et minimisant l’empreinte carbone. Cependant, la réglementation, la reconnaissance du recyclage chimique comme pratique de recyclage durable, et la construction de chaînes de valeur intégrées restent des défis à relever.
Zoom sur TotalEnergies & Paprec : en 2023, Paprec et TotalEnergies se sont associées pour lancer la première filière française de recyclage chimique des films d’emballage à Grandpuits (Seine-et-Marne). Cette filière vise à produire des plastiques recyclés de qualité équivalente aux plastiques vierges, aptes au contact alimentaire. L’accord commercial à long terme entre les deux sociétés permettra à Citeo de fournir des déchets plastiques français issus de centres de tri à Paprec Plastiques 80 à Amiens pour pré-traitement, avant d’être acheminés à TotalEnergies à Grandpuits pour traitement final. L’usine de recyclage chimique par pyrolyse devait commencer sa construction en septembre 2023.
Innovations dans le recyclage mécanique
Le recyclage mécanique, bien qu’établi, bénéficie également d’innovations technologiques. Les nouvelles technologies de tri, telles que les spectroscopies infrarouge et Raman, ou les systèmes de tri optique, permettent une séparation et un tri plus précis et plus rapides des déchets, augmentant les volumes traités et la pureté des matériaux récupérés.
De plus, les avancées dans les techniques de nettoyage et de purification des matières recyclées permettent d’éliminer les contaminants, résidus, et odeurs, améliorant la qualité des pellets de plastique recyclé. Ceci élargit les applications possibles pour les plastiques recyclés, y compris dans des secteurs exigeants comme l’emballage alimentaire ou le médical.
Les innovations dans le recyclage mécanique incluent également l’éco-conception, où les produits sont conçus pour être plus facilement démontables et recyclables. Ceci nécessite une collaboration étroite entre les recycleurs, les fabricants, et les concepteurs de produits.
En somme, les technologies de recyclage avancées sont cruciales pour atteindre l’objectif Zéro Enfouissement 2030. En investissant dans ces technologies, les acteurs de la filière non seulement augmentent les taux de recyclage et la qualité des matériaux recyclés, mais ils soutiennent également une transition vers une économie véritablement circulaire. Ces efforts exigent une collaboration intersectorielle, un engagement en matière de R&D, et un soutien réglementaire et financier, soulignant l’importance d’une approche intégrée pour réaliser cette vision ambitieuse.
Zoom sur Arkema et Agiplast : Arkema, leader mondial de la chimie, acquiert Agiplast, société italienne spécialisée dans le recyclage mécanique des polymères, notamment les polyamides spéciaux et les fluoropolymères. Cette acquisition renforce l’engagement d’Arkema envers l’économie circulaire, en améliorant la qualité et la disponibilité des polymères recyclés.
L’objectif Zéro Enfouissement 2030 est un cap audacieux qui nécessite une mobilisation collective et une accélération de l’innovation technologique. La filière professionnelle française a un rôle clé à jouer dans cette transition. En embrassant la digitalisation, en adoptant des technologies de recyclage avancées et en favorisant une culture de collaboration et de formation continue, les acteurs de la filière peuvent contribuer activement à construire un avenir plus durable. Au delà de l’Etat, ce sont aussi les régions qui se mobilisent.
Pour aller plus loin
Prévention, Collecte et Traitement des Déchets Ménagers : Une Ambition à Concrétiser : rapport public de la cour des comptes, septembre 2022
Région Auvergne Rhône Alpes, « Zéro enfouissement des déchets d’ici 2030 » : L’enfouissement des déchets a un impact considérable sur les sols. Chaque année en Auvergne-Rhône-Alpes, 2,2 millions de tonnes de déchets sont enfouies et donc non valorisées. C’est pourquoi la Région se fixe l’objectif « zéro enfouissement des déchets en 2030 ». Laurent Wauquiez a également fait part de sa volonté de réduire, dès 2025, le taux de déchets enfouis de 50% par rapport à 2010.
Un plan de prévention et de gestion des déchets à l’échelle de la Bretagne : Aujourd’hui, la prévention des déchets est devenue un enjeu capital. La raréfaction des ressources naturelles, l’évolution constante de la production de déchets et les coûts importants liés à leur gestion et leur traitement doivent amener à une prise de responsabilité et à une mobilisation de toutes et tous pour réduire nos déchets et par conséquent, leurs impacts écologiques et économiques.