Déchets électroniques : L’Europe à la croisée des chemins 

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Les déchets électroniques (DEEE), qui constituent aujourd’hui le flux de déchets domestiques à la croissance la plus rapide, atteignent des volumes records. En 2022, ils représentaient 62 millions de tonnes (Mt) à l’échelle mondiale, un chiffre qui pourrait évoluer à 82 Mt d’ici 2030. L’Europe, à la fois moteur et mauvais élève, est au cœur de cet enjeu environnemental et économique. 

Une avalanche mondiale d’e-déchets

Selon un rapport au niveau mondial de l’ONU, les 62 Mt de déchets électroniques sont des produits du quotidien, tels que smartphones, petits électroménagers, ou encore appareils domestiques (aspirateurs, tondeuses…), contenant des métaux précieux (comme le cuivre et l’or) et des substances dangereuses (mercure, plastiques toxiques). Malgré leur valeur résiduelle estimée à 91 milliards de dollars, seuls 22 % ont été recyclés dans le monde cette même année, un pourcentage qui pourrait diminuer à 20 % d’ici la fin de la décennie en raison de l’écart grandissant entre les initiatives de recyclage et l’augmentation exponentielle de la production de déchets électroniques à l’échelle mondiale. 

Un Européen produit en moyenne 18 kg de DEEE par an, soit sept fois plus qu’un Africain. Et si l’Europe affiche des taux de collecte atteignant 40 %, elle peine encore à valoriser les ressources précieuses qu’elle produit en abondance.

Quantités de DEEE produites et collectées dans le monde en 2022

L’Europe : des ambitions législatives face à des problématiques structurelles 

L’Europe s’est dotée de cadres réglementaires avancés, notamment avec la directive DEEE, imposant des objectifs ambitieux de collecte et de recyclage. Pourtant, sur les 16 à 18 kg de DEEE produits par habitant européen chaque année, une grande partie échappe encore aux circuits officiels de recyclage, alimentant un marché noir et des exportations illégales vers des pays en développement où les infrastructures de traitement sont tout bonnement déficientes et dangereuses. 

Les mesures européennes, telles que l’instauration d’un chargeur universel d’ici 2024 ou l’index de réparabilité des produits, visent à réduire le gaspillage et encourager la durabilité, avec des résultats encore mitigés. Par exemple, seuls 1 % des terres rares nécessaires aux nouvelles technologies proviennent du recyclage des DEEE, montrant un écart préoccupant entre ambitions et réalisations. 

Une économie circulaire encore balbutiante 

Deux problématiques empêchent une prise en charge optimale des DEEE européens : 

  • Premièrement, l’écart entre la croissance des e-déchets et les infrastructures de recyclage. Une croissance de +82 % depuis 2010, portée en grande partie par l’essor extraordinaire des plateformes de vente en ligne comme Amazon, Temu ou AliExpress, à laquelle la filière ne pouvait être à ce point préparée.  
  • Deuxièmement, la quasi-absence de circuits durables de réutilisation (et la baisse de durée de vie moyenne des équipements favorisant le réemploi) qui empêche de tirer parti des 17 Mt de plastiques ou des 14 Mt de matériaux composites et verre contenus dans ces déchets. 

En outre, la gestion informelle des déchets dans de nombreux pays, y compris des régions européennes, expose les travailleurs à des risques toxiques. Ce traitement non régulé souligne la nécessité d’un investissement accru dans les infrastructures de recyclage, mais aussi d’un contrôle plus strict pour éviter les transferts illégaux. 

Déchets électroniques : risque #1 des centres de traitement des déchets.

Retrouvez dans cet article les informations sur les risques associés aux erreurs de tri des DEEE pour les centres de traitement ainsi que des exemples des solutions existantes.  

Les solutions européennes pour la gestion des déchets électroniques

Pour relever les défis du recyclage de ce type de déchets, des solutions technologiques existent et se développent de plus en plus sur le marché européen. 

En France, plusieurs acteurs se sont spécialisés dans la gestion des déchets électroniques ménagers :  

  • Ecosystem et Ecologic sont les principaux éco-organismes responsables de la collecte et du recyclage des DEEE. Ils collaborent avec des collectivités locales et des distributeurs pour mettre en place des points de collecte dans tout le pays.
  • Resale Components extrait, recycle et valorise des composants électroniques issus de matériel obsolète ou défectueux comme les cartes électroniques, écrans, imprimantes, routeurs, téléphones ou encore décodeurs.
  • Morphosis utilise des procédés chimiques avancés pour récupérer des métaux rares à partir des cartes électroniques.
  • Recygo ou encore ELISE proposent des solutions pour collecter et recycler les DEEE aux bureaux. 

L’entreprise italienne Hiro Robotics, développe des robots capables d’automatiser le tri et le démontage des déchets électroniques. Ces robots utilisent l’intelligence artificielle (IA) pour identifier les composants récupérables dans les appareils usagés, et vont exécuter automatiquement des tâches de séparations, démontage et valorisation en réduisant ainsi le temps et le coût lié à des actions contraignantes menées par des travailleurs.

D’autres sociétés, comme WEEE Metallica au Royaume-Uni, emploient des technologies d’extraction thermique pour traiter les circuits imprimés. Ces innovations favorisent une approche circulaire, réduisant la dépendance à l’extraction minière. 

Perspectives et priorités pour l’Europe 

Face à ces constats, l’Europe doit relever plusieurs enjeux

1. Renforcer ses infrastructures en investissant davantage dans des centres de recyclage à la pointe et accessibles pour mieux valoriser un déchet à la fois précieux et souvent dangereux,

2. Promouvoir la réutilisation et la réparation en développant des politiques incitant à allonger la durée de vie des produits, à travers des subventions pour la réparation et une meilleure accessibilité des pièces détachées,

3. Lutter contre les circuits illégaux en traquant les transferts de déchets vers des pays aux infrastructures insuffisantes, souvent réalisés sous couvert de dons.

En conclusion, les déchets électroniques constituent une problématique à la fois mondiale et locale. En Europe, malgré des taux de recyclage supérieurs à la moyenne mondiale, le volume par habitant reste critique. L’urgence est d’instaurer des solutions systématiques qui combinent infrastructures robustes, régulation stricte et sensibilisation citoyenne. Sans une approche radicale et coordonnée, la montagne d’e-déchets continuera de croître, avec des conséquences graves pour la planète et les générations futures. 

Pour aller plus loin 

ONU Environnement – Rapport mondial sur les déchets électroniques : Moins d’un quart des 62 millions de tonnes de déchets électroniques produits en 2022 ont été recyclés, entraînant des pollutions de métaux lourds, de plastiques et de produits chimiques toxiques, alerte un rapport de l’ONU, relevant que ces « e-déchets » augmentent cinq fois plus vite que la quantité recyclée.

ADEME – Equipements électriques et électroniques : Près de 1,4 milliard d’équipements électriques et électroniques ont été mis sur le marché en 2021, représentant 2,5 millions de tonnes. En 2021, 994 805 tonnes de déchets d’équipements électriques et électroniques ont été collectés en France pour un taux de recyclage de 77 %.   

Le rapport annuel 2023 Ecosystem : Rapport d’activité public 2023 dans lequel on peut trouver différentes informations relatives aux performances de collecte et de traitement, aux actions de promotion de la collecte séparée, aux efforts de prévention, aux éléments financiers.

Les déchets électroniques prolifèrent plus vite que prévu. GoodPlanet Mag : Le monde a produit 62 millions de tonnes de déchets électroniques en 2022, selon un rapport des Nations Unies publié mercredi 20 mars. Ainsi, entre 2010 et 2022, le volume de déchets électroniques a augmenté de 82 %. À peine un cinquième (22,3 %) de ces déchets aurait été collecté afin d’être recyclé, d’après le Global E-waste Monitor 2024 de l’Institut des Nations unies pour la formation et la recherche (UNITAR) et de l’Union internationale des télécommunications (UIT).

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