Plan de l’article
L’industrie textile est largement considérée comme l’une des plus polluante au monde. La fabrication des textiles requiert de grandes ressources énergétiques tout en employant de nombreux produits responsables de rejets toxiques. En fin de vie, le textile pollue une deuxième fois, et ce toujours plus vite avec l’essor de la Fast Fashion depuis plus de vingt ans.
Où en est la production de déchets textiles en France et ailleurs ? Quels sont les nouveaux défis posés par ces matériaux et quelles sont les limites de leur recyclage ? Existe-t-il, en 2024, des technologies matures ou en développement permettant d’en favoriser la valorisation ?
La production de déchets textiles en France et dans le monde
Au cours des deux dernières décennies, la production mondiale de vêtements a doublé (100 milliards de vêtements vendus par an) tandis que leur durée de vie a été divisée par deux. Un européen moyen consomme 40% de vêtements en plus qu’en 2010, contribuant ainsi à alimenter, littéralement, des montagnes de déchets textiles.
En France, selon l’Agence de la transition écologique (ADEME), près de 819 000 tonnes de textiles neufs d’habillement, linge de maison et chaussures (TLC) tonnes de textiles sont mises sur le marché en 2022. Pourtant, seulement 40 % de ces articles sont ensuite collectés pour être réutilisés ou recyclés en fin de vie, d’après Refashion, l’éco-organisme des déchets textiles ménagers. Les 490 000 tonnes restantes sont donc considérées non-recyclables et mises en décharge ou incinérés en France ou en Europe, pour un très lourd impact environnemental sur l’ensemble du cycle de vie.
À l’échelle mondiale, les statistiques sont plus préoccupantes encore : selon la dernière étude de chercheurs de l’université de Delaware parue le 3 juillet dernier dans la revue Science Advances, plus de 90 millions de tonnes de textiles sont jetées chaque année, et moins de 1% de ces déchets sont recyclés.
En l’absence d’une conception plus durable, d’une sensibilisation accrue des consommateurs et de nouvelles solutions de recyclage, la quantité de déchets textiles devrait continuer d’augmenter et en 2050, le secteur textile émettrait même 26 % des émissions globales de GES d’après l’ADEME.
L’impact environnemental du textile
Constitué de fibres synthétiques ou naturelles, le textile conserve un lourd impact environnemental.
D’une part les textiles synthétiques, tous dérivés du plastique tels que le polyester mettent des centaines d’années à se dégrader dans l’environnement tout en libérant des microfibres plastiques à chaque lavage.
D’autre part, les textiles naturels, comme le coton qui bien que biodégradables posent eux aussi leur lot de problèmes environnementaux. Leur production nécessite d’importantes quantités d’eau, de pesticides et d’engrais, ce qui entraîne une importante pollution des sols et des nappes phréatiques.
On estime d’ailleurs que la production textile est responsable d’environ 20 % de la pollution mondiale d’eau potable en substances nocives, notamment à cause des colorants synthétiques et autres produits de finition utilisés.
Entre épuisement des ressources naturelles, pollution de l’eau et des sols, consommation d’énergie et émissions de CO2, comment expliquer que seul “1% des tissus qui composent nos vêtements sont recyclés pour en faire de nouveaux” ?
Les défis du recyclage textile
Le recyclage des textiles fait face à des contraintes liées aux caractéristiques complexes des matériaux et aux processus nécessaires à leur transformation :
Les textiles composés de mélanges de fibres naturelles et synthétiques posent particulièrement problème lors du tri, rendant difficile un recyclage individuel efficace et entraînant une perte de qualité des matériaux recyclés. Les méthodes actuelles, comme le recyclage mécanique, fragilisent les fibres, ce qui limite leur réutilisation pour produire des textiles de qualité équivalente.
Quant aux fibres naturelles usées ou dégradées, elles perdent souvent leur intégrité structurelle, réduisant leur potentiel de réemploi.
Les textiles traités chimiquement, notamment pour l’imperméabilisation ou la résistance aux tâches, ainsi que ceux teintés ou soumis à d’autres traitements spécifiques, sont également complexes à recycler. Ces substances résiduelles peuvent limiter les applications des produits transformés et remettre en question la viabilité économique de leur recyclage.
Pour toutes ces raisons, beaucoup de textiles restent incinérés ou enfouis, et lorsqu’ils sont recyclés, c’est majoritairement pour être utilisés dans les produits d’autres industries (isolation des bâtiments par exemple).
Solutions technologiques pour le recyclage des textiles
Pour relever ces défis, de nombreuses solutions technologiques émergent, notamment dans le domaine du recyclage chimique et du tri automatisé :
- Le Relais, un acteur majeur français de la collecte de textiles, s’est allié avec Fairbrics pour développer des solutions de valorisation des déchets. Fairbrics utilise la chimie pour convertir les déchets textiles en polyesters d’origine recyclée, permettant ainsi la création de vêtements intégralement recyclables.
- Une autre entreprise française Les Filatures du Parc se spécialise dans le recyclage de la laine et du coton à travers des méthodes mécaniques innovantes.
- Worn Again Technologies (Angleterre), Infinite Fiber (Finlande) ou Carbios (France) travaillent sur des procédés de recyclage chimique permettant de transformer les textiles usagés en fibres quasi neuves. Ces procédés utilisent des solvants et des enzymes pour décomposer les mélanges de fibres, rendant possible la réutilisation de matériaux complexes dans de nouveaux vêtements.
- Quelques jours avant de la publication de présent article, un vêtement en polyester recyclé enzymatiquement à partir de 100 % de déchets textiles avec la technologie de biorecyclage de Carbios a été dévoilé pour la première fois dans le monde. Bien que des innovations comme le recyclage chimique offrent des perspectives prometteuses, cette technologie reste coûteuse et exige une manipulation prudente des produits chimiques, ce qui freine encore son adoption à grande échelle.
- Resortecs (Belgique) transforme la gestion de déchets textiles grâce à ses solutions de démontage automatisé.
Le tri des textiles bénéficie également de l’intelligence artificielle :
- La startup américaine Sortile Technologies développe des machines capables d’identifier automatiquement la composition des textiles, optimisant ainsi le tri et le recyclage.
- Greyparrot, une des solutions proposées par NextWaste identifie également les tissus parmi les déchets passant sur la ligne du tri.
Ces initiatives technologiques prometteuses montrent que la modernisation du recyclage textile est possible mais nécessitera des investissements, un cadre réglementaire favorable et une mobilisation de tous les acteurs de la chaîne de valeur.
Pour une industrie à l’impact écologique aussi important, il est bien entendu crucial d’optimiser le recyclage des vêtements arrivés en fin de vie, ce qui ne sera rendu possible que part une véritable sensibilisation autour de la fast fashion, des politiques publiques incitatives et des infrastructures de recyclage adaptées.
Pour aller plus loin
Production et déchets textiles : les impacts sur l’environnement. Avec la fast fashion (mode rapide), la quantité de vêtements produits et jetés a explosé. En savoir plus sur les impacts environnementaux et les solutions de l’UE.
Filière des Textiles d’habillement, linge de maison et chaussures – Données 2022. 819 milles tonnes de Textiles neufs d’habillement, linge de maison et chaussures (TLC) ont été mises sur le marché en 2022 pour les ménages, soit 3,26 milliards d’unités. En 2022, plus de 252 kt ont été collectées selon différents canaux et 181 kt ont été triés par des opérateurs conventionnés
La mode sens dessus-dessous. ADEME. « La mode passe, le style reste »Aujourd’hui, cette fameuse citation d’Yves Saint-Laurent mériterait d’être ajustée : la mode passe certes, mais les impacts environnementaux et sociaux qu’elle provoque s’inscrivent dans le temps. Alimentant notre dévorante envie de nouveauté, les grandes marques internationales de prêt-à-porter proposent chaque jour d’irrésistibles pièces à des prix défiant toute concurrence. Ce phénomène porte un nom : « fast-fashion ».